Le 12 juin, après une quinzaine de jours passée à alterner les séjours dans les tranchées avant et celles de réserve au Bois d’Ailly, le Régiment quitte définitivement ce lieu de souffrance, par un train pris en gare de Sorcy.
Il rejoint, toujours dans la Meuse, un secteur tranquille : le Bois des Chevaliers. Là raconte Charles Galliet, les soldats se heurtent à des ennemis coriaces : les poux !
Mais « ceux qui avaient passé là avant nous, n’ayant pas connu le continuel souci de la lutte, avaient aménagé pour leur bien-être le terrain dont les coteaux boisés ne convenaient pas aux attaques d’infanterie ; on y trouvait des constructions pour toutes saisons : des cavernes spacieuses dans lesquelles les occupants avaient apporté des pays voisins évacués, des tables, des bancs, des glaces, des livres ; et les installations d’été, en surface, pagodes d’osier, hamacs entre les branches, il ne manquait que des fleurs pour compléter le décor. »
En septembre ce sera le départ pour le front champenois. Le 24 septembre, Joffre donne l’ordre d’une grande offensive dans ce secteur :« Allez-y de plein cœur pour la délivrance du sol de la Patrie, pour le triomphe du droit et de la liberté. » écrit-il.
Mais une fois encore ce fut un fiasco et le 171e perdit son colonel et quatorze officiers.
« Après cette hécatombe de chefs et les deux tiers de l’effectif des hommes perdus, que pouvions nous faire encore ? » dit Charles Galliet.
Encore une vaine offensive !
Le séjour en Champagne, boueuse, pouilleuse, pendant lequel la troupe fit connaissance des gaz asphyxiants et manifesta ses premiers signes d’insubordination, dura jusqu’en juin 1916 où le 171e fut envoyé à Verdun; il participa à cette grande bataille pendant cinq jours seulement, du 23 au 28 juin, mais ce furent cinq jours d’enfer dont voici un petit échantillon (toujours sous la plume de Charles Galliet) :
« Les détonations ébranlaient les cerveaux, surexcitaient les nerfs, les yeux s’enfonçaient égarés sous leurs orbites, les faces tirées devenaient jaunes, les oreilles assourdies (…) nous étions sans volonté, sans appétit, consumés par la fièvre, ne vivant que de l’eau de nos bidons saturée de poudre de café ». L’ordre du Colonel était de « mourir sur place plutôt que de céder un seul pouce de terrain ».
Les pertes à Verdun furent telles qu’une compagnie fut supprimée dans chaque bataillon : triste solution puisqu’il n’était plus possible de combler les pertes par de nouveaux renforts venus de l’arrière.
Le 22 juillet 1916, le 171e RI quitte définitivement la Meuse pour la région de Soisson.
Le 20 septembre, dans la Somme, il résiste à une violente contre-attaque allemande dotée de gros moyens en artillerie, aviation et troupes fraîches.
En mai 1917, le Régiment participe à la bataille du Chemin des Dames et remporte même, encore une fois moyennant de cruelles pertes, certains succès à cet endroit.
De juillet 1917 à janvier 1918, ce sera le difficile et froid secteur des Vosges, où l’on tentera encore d’enfoncer vainement les lignes allemandes.
En mars 1918 reprennent les grands combats, pour le 171e ce sera dans la Somme (Sauvillers, Mongival, Thory) : combats au corps à corps et pugnacité des Allemands qui tentent de reprendre du terrain . Le 1er bataillon, qui fut celui de Léon Mühr, est à peu près anéanti, mais le 4 avril, le 171e RI se trouvant en première ligne et « les actes de dévouement atteignant les limites du sublime », l’offensive allemande est arrêtée. Une fois de plus cette troupe de valeur « a sauvé la situation et bien mérité de la Patrie », ce qui lui vaudra citations et fourragères aux couleurs de la Croix de Guerre.
En juillet 1918 : secteur de Cantigny, où l’on recueille prisonniers allemands et renseignements.
En aôut, les Allemands ayant faibli, ils sont poursuivis et la localité de Montdidier est libérée ainsi que celle de Laucourt (nouvelles prises de soldats allemands).
Puis la position stratégique de la Panneterie sur le canal du Nord est enlevée début septembre malgré la défense opiniâtre de l’ennemi.
Le 24 septembre, en première ligne, de concert avec le 2e Régiment d’Infanterie légère Britannique de Durham, le 171e reprend des positions dans le secteur de Douai, puis au prix de pertes sévères, juqu’au 27 septembre continue à avancer devant St Quentin ; des « coups de main » permirent alors de gagner 1500m de terrain et de faire de nombreux prisonniers. Le 1er octobre, St Quentin est repris et le Lt Pichot du 1er bataillon entre le premier dans la ville.
Jusqu’au 12 octobre, dans ce secteur, il sera encore beaucoup demandé au 171e RI qui finira par tomber enfin sur un village fraîchement abandonné par les troupes allemandes : le bureau de l’ « Ortskommandantur » déserté avec toutes sortes de documents encore en place !
Après un court repos, le régiment se trouvera à La Capelle le 7 novembre où il accueillera les parlementaires allemands venus demander l’armistice :
« A 20h10, la mission de parlementaires allemands est aperçue sur la route venant d’Haudroy. La pemière section de la 3e compagnie est déployée de part et d’autre sur la route. Cinq automobiles avancent à toute allure, les phares sont éclairés, un immense drapeau blanc flotte sur la première voiture, un trompette allemand debout sur le marchepied sonne le « Cessez le Feu ».
L’historique du 171e RI conclut dithyrambique :
« le Régiment a ainsi le grand honneur de recevoir à ses avant-postes l’Allemand vaincu et démoralisé qui venait implorer l’armistice et la cessation des hostilités.
Soldats du Haut-Rhin, du Doubs et de la Haute-Saône qui composiez à la mobilisation le Régiment ; soldats de toutes les régions de France qui êtes venus combattre sous son glorieux drapeau, vous pouvez être fiers du 171e , il a bien mérité de la Patrie.
C’est un Régiment qui s’en va gaiement (sic) « EN AVANT »
Il serait intéressant de connaître combien, parmi les trois mille hommes qui composaient le 171e Régiment d’Infanterie le 1er août 1914, étaient encore en vie et indemnes le 11 novembre 1918!
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