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LA MORT HéROÏQUE DU SOUS-LIEUTENANT LE BRIZEC

Dans le journal de marche, le 9 septembre, on peut lire à la page 20 :

« Le sous-lieutenant LE BRIZEC, dans sa tenue de St Cyrien, à la tête de sa section, a donné l’assaut, abattu deux allemands avec son sabre, tué un troisième avec son révolver. Il est tombé héroïquement. »

Ce comportement héroïque, plein de panache, a été, surtout au début de la guerre celui des jeunes St Cyriens qui nommés sous-lieutenants à titre provisoire et en un clin d’œil chefs de sections, ont eu à cœur de montrer l’exemple à leurs troupes par un courage infaillible, comme on le leur avait appris à l’école. Sur la promotion 99 , sortie en 1914, « La Grande Revanche », quatre cent six sur sept cent soixante cinq moururent pendant la guerre (plus de la moitié !)

Le sous-lieutenant Charles De Gaulle, lui-même blessé sur le pont de la Meuse à Dinant en Belgique, remarque quant à lui dans ses notes :

« calme affecté des officiers qui se font tuer debout ; baïonnettes plantées aux fusils, par quelques sections obstinées; clairons qui sonnent la charge ; dons suprêmes d’isolés héroïques… rien n’y fait. En un clin d’œil, il apparaît que toute la vertu du monde ne prévaut pas contre le feu. »

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LA MORT HéROÏQUE DU SOUS-LIEUTENANT LE BRIZEC

Léon a donc rejoint, dès le 2 août, à Belfort  le 171e Régiment d’Infanterie, auquel il appartenait depuis sa création en 1913 et qui regroupait des recrues de l’Est de la France et en particulier beaucoup de Franc-Comtois, réputés sérieux et particulièrement braves.

La région de Franche-Comté est en France assez mal connue, pas toujours située à sa place géographique, au sud de l’Alsace dont elle est séparée par la trouée de Belfort, porte traditionnelle des invasions. Adossée à la frontière suisse, occupée en grande partie par les montagnes du Jura et ses contreforts, ses splendides paysages sont , d’un point de vue touristique, desservis par un climat plutôt rude, assez pluvieux en été et très froid en hiver.

Ma fille habite « dans l’Est », me disait récemment une dame (celle-ci avait en effet rejoint son mari à Besançon …)

On sait que les difficultés forment le caractère, c’est pourquoi celui des Franc-Comtois est généralement bien trempé :

« Hommes de l’Est, sérieux, voire graves, les Francs-Comtois sont volontiers repliés sur eux-mêmes ; peu communicatifs, ils n’accordent pas de prime abord leur confiance à un inconnu. La difficulté d’existence sous un climat et sur un sol ingrat en a fait, au cours des siècles, une population énergique, courageuse, aussi capable d’efforts violents que d’application tenace à une besogne délicate… » pouvait-on lire en avril dernier dans le Nouvel Observateur à propos des fusions de régions !

La devise de la Franche-Comté est d’ailleurs :

« Comtois rends toi !

Nenni ma foi »

…prononcée par les assiégés de Dôle interpellés par le grand Condé, qui demandant par ailleurs à rencontrer leur chef s’était entendu répondre : « nous sommes tous chefs ! »

On peut voir dans ce trait un certain goût pour l’égalité ; la solidarité et la coopération entre les habitants se laissant par ailleurs illustrer par les fruitières, institutions très anciennes et qui perdurent aujourd’hui, de la mise en commun du lait de chaque village en vue de la fabrication des roues de fromage de Comté, dont la qualité universellement reconnue provient certainement, entre autre, du sérieux avec lequel il est fabriqué.

La Franche-Comté, arrachée à l’Espagne, rattachée, de force à la couronne de France en 1678 seulement, a gardé sa personnalité régionale; comme le disait malicieusement à ses élèves l’Abbé Flory, aumônier des Lycées de Besançon : « vous vous trouvez entre l’Alsace à forte personnalité et la Bourgogne qui a oublié depuis longtemps qu’elle a un jour été libre. »

Je termine ce petit article sur la Franche-Comté par cette citation de Voltaire dans Le siècle de Louis XIV (1751) :

« Cette province, assez pauvre en argent mais très fertile, bien peuplée, étendue en long de quarante lieues et large de vingt, avait le nom de Franche et l’était en effet. Les rois d’Espagne en étaient plutôt les protecteurs que les maîtres. Quoique ce pays fût du gouvernement de la Flandre, il n’en dépendait que peu. Toute l’administration était partagée et disputée entre le parlement et le gouverneur de la Franche-Comté. Le peuple jouissait de grands privilèges, toujours respectés par la Cour de Madrid qui ménageait une province jalouse de ses droits, et voisine de la France. Besançon même se gouvernait comme une ville impériale. »

« Jamais peuple ne vécut sous une administration plus douce, et ne fut si attaché à ses souverains. Son amour pour la maison d’Autriche s’est conservé pendant deux générations ; mais cet amour était, au fond, celui de la liberté. »

 

 

 

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On a beaucoup parlé d’un départ des français à la guerre « la fleur au fusil ». Les articles de journaux de l’époque, les photos et les films semblent en témoigner.

Mais ce mythe d’une mobilisation attendue, espérée et enthousiaste, vieux récit patriotique a été contesté par l’historien Jean-Jacques Becker dans sa thèse publiée en 1977. « pour l’immense masse des français touchés par la mobilisation, écrivait-il, la tonalité dominante fut tout autre : résignation grave et angoisse diffuse. »

Paul Cazin, dans son « Humaniste à la guerre » témoigne qu’à Paray-le-Monial en Bourgogne : « Toute la ville haute pleurait. J’ai entendu dépeindre depuis lors, le joyeux enthousiasme de la mobilisation. Mais la première nouvelle fut ce qu’elle devait être, affreuse, dans les campagnes surtout où la paix bénie fleurissait. Les cloches des villages s’étranglaient à sonner un tocsin d’épouvante. Jamais elles n’avaient annoncé pareil incendie, pareille inondation, pareil fléau. »