Deuil

Une fois la tragédie consommée, il fallait informer les familles des soldats morts au front.

« Un télégramme officiel était acheminé en mairie par les gendarmes à cheval »,  indique Jean-Louis Beaucarnot dans son ouvrage  Nos familles dans la Grande Guerre ; dans les communes rurales c’était le rôle du maire que d’aller porter « avec tous les ménagements désirables » la funeste nouvelle. On rapporte que certaines mères s’évanouissaient à la seule vue du maire s’approchant de leur domicile !

A partir de cette annonce on cessait de trembler et on commençait à pleurer.

Quelques jours après le 20 mai ce fut le tour de Louis et de Félicie Mühr de prendre pour le reste de leurs jours le deuil de leur fils unique.

A la Toussaint 1915, ils se rendirent sur sa tombe à Vignot, comme en témoigne une carte postale adressée à leurs cousines Marie et Adèle.

 

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Vers cette époque fut éditée une image pieuse à la mémoire de Léon ; celle-ci comporte à son verso un florilège de citations destinées à la consolation des familles croyantes, dont faisaient partie les parents de Léon.

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Inhumé (provisoirement) à Vignot

Après la bataille, le journal de marche mentionne à la date du 22 mai :

« les 1ère et 2e compagnies qui occupaient les tranchées de la Maison Blanche se rendent à Vignot »

Sans doute emportent-elles avec elles les corps des camarades morts pendant les combats. La fiche matricule de Léon mentionne en tout cas : « inhumé à Vignot (Meuse) ». Cette localité, au pied du bois d’Ailly , cantonnement apprécié des poilus, a fait l’objet d’un article précédent (Cantonnement à Vignot).

Si l’on en croit un article hagiographique paru dans la presse du Doubs, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir, Léon était apprécié de ses hommes, pour lesquels il était « une force morale » ; on peut donc penser que son enterrement a été l’occasion d’une scène comme celle décrite dans ce poème, intitulé :

Le Copain

On t’a porté la nuit, par la marne pouilleuse.

Tes bonshommes pleuraient. Leurs rudes mains pieuses,

Timides, t’effleuraient, comme un petit qui dort ;

Leurs genoux cadencés ballotaient ton front mort,

Et ton sang clair coulait le long de nos chaussures.

Ta capote n’avait qu’une croix pour parure,

Les étoiles du ciel regardaient par les trous !…

Mais nous sommes tombés pour prier, à genoux,

Quand j’eus pris sur ton cœur les lettres de ta mère,

Et qu’on vous eut mis toi, puis ta jeunesse, en terre.

Et fermant pour toujours les clartés de tes yeux,

J’ai simplement, comme auraient fait les pauvres vieux,

Mon héros de vingt ans, baisé ta chair de marbre !

Et j’ai laissé ton âme à l’âme des grands arbres !…

(Paul Verlet)