Le Bois d’Ailly (suite et fin de la guerre)

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Dans cette histoire de Léon et de ses camarades du 171e RI, un rôle non négligeable est tenu par le lieu de la tragédie, presque un personnage à part entière : le Bois d’Ailly.

Que lui est-il arrivé après le 20 mai 1915?

D’abord les combats perdurèrent jusqu’au 22 mai; ce jour là se situe un épisode marquant de cette partie du front : une compagnie du 172e RI, frère du 171e au sein de la Brigade active de Belfort, s’est trouvée isolée de l’arrière et donc sans approvisionnement. Les soldats se battirent avec courage dans la chaleur et la poussière sans pouvoir se désaltérer et furent finalement fait prisonniers par les Allemands. Cet épisode est resté célèbre sous le nom de « la Tranchée de la Soif », une stèle commémorative lui est consacrée sur les lieux.

Ces combats de mai 1915 furent les dernières tentatives françaises pour récupérer le territoire de la « hernie de St Mihiel ». Joffre et son état-major commençaient à comprendre qu’il valait mieux se contenter de garder les positions acquises. Et d’autres soucis les attendaient avec l’attaque en février 1916 de Verdun par les Allemands et la nécessité de placer toutes les forces vives dans la défense de cette place.

Les trois dernières années de la guerre ne virent donc au Bois d’Ailly que de légers affrontements, les Allemands étant bien installés dans des tranchées bétonnées. En 1918, cependant, lorsque les Etats-Unis d’Amérique entrèrent à leur tour en guerre, c’est ce morceau du front qui fut choisi en priorité pour une reconquête. Les 12 et 13 septembre 1918, la 2e division de l’American Expeditionary Force, dirigée par le Général Pershing vint à bout de la poche de résistance allemande. 250 000 hommes – dont 216 000 Américains -, 1444 avions, 3100 canons, 267 chars légers furent nécessaires pour déloger les Allemands de leurs tranchées.

Aujourd’hui, au Bois d’Ailly, subsistent les ouvrages en béton des Allemands, des fossés, traces des tranchées françaises et quelques monuments commémoratifs des sacrifices de la jeunesse française sur cette minuscule portion du front occidental. Les arbres ont repris possession de l’endroit et par un jour de printemps ensoleillé, le Bois d’Ailly est redevenu un joli bois très bucolique, où l’on peine à imaginer le paysage lunaire, les trous d’obus, les arbres déchiquetés et les charniers qui effrayaient tant les soldats remontant au front !

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Annexes: un article de presse

Cadre recopiant l’article, cadeau de Colette Menneglier Géhant, merci à elle, là où elle se trouve à présent!

Site de la BNF

Annexes: tableaux d’honneur

J’ai utilisé pour cet article:

le livre de Jean-Louis Beaucarnot: « Nos familles dans la Grande Guerre

Les « Mémoires d’un Dinosaure » de Jean Menneglier

Croix de Guerre de Léon Mühr, soigneusement conservée dans un album par Françoise Menneglier Creusot

Photo du monument aux Morts de Cusance (Doubs), prise par mon amie Odile Couturier Robin qui s’est rendue sur place exprès: un très grand merci à elle!

Annexes: Deuil

« Nos familles dans la Grande Guerre » par Jean-Louis Beaucarnot

carte postale et image pieuse conservées par Françoise Menneglier Creusot

Annexes: inhumé à Vignot

Fiche matricule de Léon Mühr

Poésie de Paul Verlet (1890-1923), publiée avec d’autres du même auteur dans: Ernest Prévot et Charles Dornier, Le Livre épique, anthologie des poésies de la Grande Guerre, Librairie Chapelet, Paris, 1920 et reprise dans Poèmes de Poilus, Anthologie 1914-1917 dirigée par Guillaume Picon, Collection Points, Paris 2014

La mort de Léon Mühr

J’ai utilisé les ouvrages suivants, déjà cités :

Le JMO du 171e RI

Les souvenirs de Charles Galliet

et aussi:

la fiche matricule de Léon Mühr

La citation donnant droit à la croix de guerre

Le récit de Jules Gillet

Cette lettre de Jules Gillet figure dans le recueil « Paroles de Poilus », Lettres et Carnets du front , Editions Librio – Radio France, 1998

Je n’en ai pas omis un mot

Annexes: on y retourne

J’ai utilisé les ouvrages suivants, déjà cités :

Le JMO du 171e RI

Les souvenirs de Charles Galliet

Un article dans la presse locale

Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à Léon Mühr, j’ai interrogé à son sujet la seule personne encore en vie de la génération de ma mère : Colette Géhant.

Celle-ci, la plus jeune des quatre enfants Menneglier, n’avait que très peu de souvenirs au sujet de Léon, si ce n’est que sa tombe se trouvait au cimetière de Cusance et que sa photo y figurait. Mais elle possédait un objet, un petit cadre qu’elle a eu la gentillesse de m’offrir. Il s’agit d’un article paru dans plusieurs organes de presse régionaux, recopié à la main d’une très jolie écriture calligraphiée, décoré de guirlandes de fleurs, mis sous verre et encadré (sans doute par Félicie Mühr) au moyen d’un tissu cousu !

J’ai pensé que ce genre d’article était écrit couramment pour honorer les poilus, aussi quelle n’a pas été ma surprise en fouinant sur internet de trouver l’article reproduit entièrement sur un site dédié au catholicisme pendant la Grande Guerre, et seul dans son genre.

Sans doute la considération dont Léon Mühr jouissait auprès de sa paroisse de Cusance, a-t-elle suscité la rédaction de cet article élogieux dans la presse catholique de la région, à moins que ce ne soit l’entregent de sa tante religieuse, Marthe Pahin-Mourot; Cette rédaction n’échappe pas cependant à quelques approximations : le grand-père de Léon a quitté l’Alsace bien avant la guerre de 1870 et ne l’a donc pas fait pour « ne pas être allemand ». Quant aux grands-oncles « martyrs » de la Révolution, il s’agit bien de prêtres réfractaires au serment, les frères Nachin, mais ils se sont simplement réfugiés dans des grottes, ravitaillés par les villageois, attendant que les choses se calment, ainsi qu’il est souvent d’usage dans le Doubs pendant les périodes troublées !

article Léon

Voici donc l’article en question, reproduit intégralement :

 

Un arrière-neveu de deux prêtres martyrs de la Révolution

 Le 20 mai 1915, au bois d’Ailly, tombait au champ d’honneur, Léon Mühr, de Guillon-les-Bains, sergent au 171e d’infanterie, cité à l’ordre de la brigade, en ces termes: « Au combat du 20 mai 1915, à la Maison-Blanche, bois d’Ailly, est resté à son poste de combat sous un violent bombardement. A été tué. »

Cette citation donne droit à la Croix de guerre avec étoiles.

Léon Mühr appartenait, par son père, à une très honorable famille alsacienne, comme son nom l’indique. Son grand-père avait quitté sa province pour ne pas être allemand. Du côté maternel, famille Pahin-Mourot, il tenait à notre Franche-Comté, et deux de ses grands-oncles, prêtres, avaient été victimes de la Révolution pour n’avoir pas voulu prêter le serment civique. Avec de telles attaches, le jeune homme ne pouvait déchoir, aussi était-il le modèle des jeunes garçons de la paroisse.

A la tête de la Jeunesse catholique, intelligent, actif, dévoué, Léon Mühr était le bras droit de son curé, et le parti libéral avait en lui un solide appui. Hélas !

la mort a renversé toutes les belles espérances qu’on était en droit de fonder sur lui et laisse inconsolable sa pauvre mère, dont il était, à juste titre, tout l’orgueil.

« Jusqu’au bout, je ferai mon devoir de chrétien et de Français, écrivait-il peu de temps avant sa mort ; je ne crains pas la mort, je suis prêt. »

Faire son devoir de chrétien et de Français. Tout Léon Mühr est dans cette phrase. Aussi ses camarades lui ont-ils rendu ce témoignage d’être pour eux une « force morale ». C’est le plus bel éloge qu’on puisse faire de ce jeune homme au visage si franc et si loyal.

Puisse Dieu lui donner la gloire des élus et à celles qui le pleurent, mère, tante, alliées, la résignation et la force de supporter la douloureuse épreuve comme Léon Mühr l’aurait voulu lui-même : chrétiennement.

Nous offrons aux familles Mühr et Pahin-Mourot nos bien sympathiques condoléances.

( Croix franc-comtoise, Eclair comtois, Dépêche et Semaine religieuse de Besançon.5 décembre 1915)