La vie d’avant

Où étais-tu en août ? demande à brûle pourpoint le lieutenant Genevoix à un des ses subordonnés et celui-ci ne réalise pas tout de suite qu’il lui parle de sa vie d’avant ; « j’étais comptable » répond-il. Et ce passé leur semble à tous deux si lointain, ces quelques mois écoulés depuis la mobilisation leur donnant l’impression d’avoir mûri les jeunes gens insouciants qu’ils étaient alors,  comme s’il s’était agi d’années!

Léon avant la guerre, comme cela a déjà été évoqué dans l’article « Né quelque part », était négociant en taillanderie (objets de quincaillerie, outils, couteaux); l’ entreprise familiale existait depuis au moins deux générations. Il travaillait avec son père et son oncle et, comme l’écrit Jean Menneglier dans ses souvenirs, «leur commerce devait bien marcher car ils avaient acheté une automobile pour faire leur tournée. Il en restait un ou deux pneus cloutés, comme on les faisait à ce moment-là et des bidons d’essence dans une caisse en bois car l’essence ne se vendait pas encore à la pompe… Il ne restait plus de leur activité que la voiture à cheval rangée au fond d’une remise, des prospectus utilisés aux cabinets et des boîtes à outils que la Tante distribuait à droite et à gauche. »

Certains de ces outils, estampillés « Mühr » ont été conservés dans la famille et servent encore.

Hache

Léon, jeune homme assez favorisé, d’un niveau d’éducation 3 (selon sa fiche militaire, ce qui veut sans doute dire titulaire du certificat d’études ou même du brevet supérieur), s’initiait au commerce ; dans une carte postale de 1910, adressée à sa cousine Adèle Pequignot, il évoque les foires où il se gèle les doigts (mais, dit-il, il faut bien que le métier entre). Il y parle aussi de ses loisirs : du théâtre amateur organisé sans doute par la paroisse de Cusance ; dans une autre des leçons d’harmonium données par sa tante religieuse, Marthe, qui qualifie ses débuts de prometteurs. Jean Menneglier se souvient aussi de sa carabine et de son pistolet « le Français » rangés soigneusement à Guillon. Chasser et pêcher la truite dans le Cusancin devait faire aussi partie de ses passe-temps.

A dix-huit ans Léon faisait partie de la bande des « gars de Guillon », avec lesquels il « rigolait bien », parfois aux dépends des autres villageois, comme un marié venu « des colonies » pour épouser une jeune fille qui en réalité en aimait un autre : « devine qui remplacera son mari lorsqu’il sera reparti en Afrique ? »

CP Guillon 1908 r

Le dimanche après la messe à Cusance, qui réunissait les habitants des trois villages du «Val », on partageait en famille le chou garni de « côti » (petit-salé), de lard et de saucisses de Morteau au cumin.

Félicie Mühr entretenait avec ses sœurs (Hortense Pequignot, mon aïeule, Joséphine Hienne et Marthe déjà citée) des relations chaleureuses. Léon qui était fils unique fréquentait beaucoup ses cousins Paul, Marie, Adèle et Jeanne. Comme indiqué ci-dessus, beaucoup de renseignements le concernant viennent de sa correspondance avec Adèle Pequignot, ma grand-mère ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

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